Requiem pour un parachute

 

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  Un vétéran marchait - pourquoi cela ne serait il pas ? Un octogénaire selon Jean de la FONTAINE  plantait ! - afin d' apprivoiser de vieilles douleurs et d' entretenir une forme physique irrémédiablement déclinante .Pourquoi ne pas en profiter pour s' abandonner un court instant à la recherche du temps passé se demandait notre vétéran un  jour ensoleillé de décembre 2015 ?

La Zone de Saut de WRIGHT traditionnellement désertée pendant la trève des confiseurs lui parut convenir à son attente .L'élément décisif fut l' absence de maïs qui presque toute l' année limite les vues sur la Lande du Pont Long .    

 " L'itinéraire choisi longe le domaine militaire , au nord sur le bord du Lac d' UZEIN et les casernements du 5° Régiment d' Hélicoptères de Combat (RHC) au sud sur le bord du quartier GUYNEMER . Ainsi  est il possible de faire très exactement le tour de la Zone de Saut de WRIGHT  sans emprunter le domaine militaire . Sur ce point, la signalisation routière et la carte au 1/25000 sont en désaccord " .

 LAC d' UZEIN  :
      Un parcours de découverte de la nature a été aménagé sur le dernier espace témoin de ce qu' était l'antique Lande Humide du Pont Long . Le départ est en face du parking à 250 mètres de la digue du Lac .Ce jour la, il était interdit d' emprunter le parcours en raison des dégats causés par la tempète d' aout 2014 .  

   

 Ce petit sentier en surélévation traversant la zone humide est en cours de réfection. Il a été gravement détérioré par des chutes d' arbres . Le Lac d' UZEIN  n' accueille plus les oiseaux d' eau migrateurs et a donc considérablement perdu de son interet.  

   

 Vue de la partie Ouest du Lac ,coté digue .Au coin les bâtiments d'une ancienne auberge .Le parcours de découverte se situe le long de la lisière formant un angle droit au dessus des toits .C' est sur ce site que l' ETAP organisait ( fin des années 80 ) l' épreuve de natation de son triathlon annuel .Depuis février 2013 il n' y a plus d' eau dans le Lac.L' action conjuguée des ragondins et des écrevisses à pattes rouges a provoqué une brèche de plusieurs mètres dans la digue .A droite Vue de la vanne de régulation du niveau de l' eau située en face de l'ancienne auberge .  

   

 Partie Est du Lac maintenant envahie par la végétation .Gros plan sur le chêne isolé  ( Vu l' arbre en boule ?? ) que l'on voit au centre du zig zag que forme la piste  longeant le Lac. On aperçoit ,dans la diagonale de la photo ,la sinuosité d'un petit ruisseau bordé de buissons .C' était la séparation des anciennes zones des Transports Aériens (T.A ) pour la Livraison par Air (LPA) et de la Z.S. personnels .Il n' y a plus maintenant que de la pelouse soigneusement entretenue.

 Un peu dépité par ces contretemps le vétéran poursuit son chemin en bordure des casernements du 5° R.H.C., puis devant le quartier GUYNEMER - ex Base Aérienne ex aire d' embarquement du C.E.T.A.P. puis C.E.S.N°3 - pour sauter sur RIEUTORT ( ruisseau sinueux, en Béarnais )  qui n' était autre qu'une partie de l' actuelle ZS WRIGHT.   

   

           Un rapide coup d' oeil au Pic du MIDI d' OSSAU noyé dans la brume de beau temps avant de suivre la signalisation routière pour  longer GUYNEMER.  

   

  Il n' y a pas à redire ..la signalisation est parfaite .Au delà de la barrière - pas trop dissuasive - on aperçoit l' aire de regroupement après le saut dominée par la tour P.C. Techique de la Z.S. de WRIGHT La zone est magnifique ,aplanie ,souple et herbeuse comme un terrain de golf et dépourvue du moindre obstacle .A hauteur de la barrière il y avait encore dans les années 70 un chenil avec piquets en métal et barbelés ,enfoui dans d'immenses ronciers. 

   

   Au bord de la tour , le monolithe  édifié par la Section Spécialisée du GENIE en souvenir des travaux de rénovation du complexe de mise à terre dit ZS de WRIGHT de Mai à Juillet 2011 Le vétéran se fait la reflexion : nos successeurs font du bon boulot ! !   

   

 En poursuivant son chemin vers l' Ouest le vétéran peut voir sur la gauche  un bois qui borde la piste ..il ne sait encore pas que ce bois lui réserve une surprise de taille ! 

 CIMETIERE DE PARACHUTES  

   

  Quelque chose éveille l' attention du vétéran , il y a un détail qui cloche dans le paysage : Ne dirait on pas un parachute sur la gauche dans le bois ? Mais il y en a d' autres sur la droite ? - Vous en verriez combien vous ? Il y en a au moins quatre !! Non !! Ce n' est pas possible ? Après s' être approché le vétéran voit son intuition vérifiée .Il y a bien des parachutes abandonnés dans ce bois !   

   

  " Tiens ! la aussi, Camouflé par mimétisme en tronc d' arbre il y en a un autre . Sa présence est trahie par la tache blanche du ventral . !! Le véteran n'ose  se rendre  à l' évidence ...il est bien pourtant au cœur d'un cimetière de parachutes Une sorte de triangle des BERMUDES pour parachutistes dans le BEARN En cette matinée de décembre le silence est total ,c' est à peine si un souffle d' air fait frémir les voiles illuminées par le soleil . Le spectacle incongru est cependant beau ,voire poignant .Le promeneur ressent la même chose que lors d'une visite dans un cimetière désert "  

   

  Ces voiles sont très abimées .Ce sont des dorsaux d' EPI (Ensemble de Parachutage Individuel ) EIles ont passé plusieurs saisons ou années à se dégrader lentement sous l' action du soleil , de la pluie , du vent .  

   

                        Autres vues de dorsaux EPI en bien triste état. Les résilles des bords d' attaque sont bien visibles. La brise donne vie aux panneaux non encore déchirés  

   

                                               Les formes molles, la magie des couleurs jouent et atténuent l'impression de désolation du spectacle  

   

  Celui ci a conservé ses sacs à voile .On identifie bien le sac dorsal en haut avec une poignée de manœuvre jaune et en dessous le sac ventral avec sa poignée de commande d'ouverture rouge .Le parachutiste n' a guère été aidé par l'ouverture du ventral ..il a du effectuer un beau saut de quelques 5 à 6 mètres à moins qu'il ne soit descendu le long du tronc ? Alors pourquoi délover le ventral ? .Ces parachutes pourraient bien constituer l' EPC (Ensemble de Parachutage du Combattant) mis en service en 2014 ? De l' avis du vétéran cet EPC était parfaitement récupérable Une demi douzaine de parachutistes correctement équipés aurait mené à bien cette opération de sauvetage .  

   

  Les mêmes vus sous un autre angle .Le Manuel du Moniteur ( édition 1969 ) prévoit trois hypothèses en cas d' arrivée sur un arbre .Après s' être assuré qu'il est bien accroché, 1° le para prend appui sur une branche , se déséquipe puis descend de l' arbre .2° Le para se déséquipe et après l' avoir déployé utilise le ventral comme corde lisse .3° si 'l'extrémité du ventral déployé est à plus de 4 mètres du sol ,le para appelle à l' aide .  

   

 Ce dorsal aux allure de spi  ne parait pas vraiment accroché et semble en assez bon état .Il se balance doucement sous la brise légère ..On dirait qu'il est incomplètement délové ? A son extrémité un amas de suspentes, de poignée de manœuvre, de sangles ? 

   

   Ce parachute a conservé ses deux sacs à voile ,bien coincés dans une fourche d' arbre Le parachutiste est visiblement descendu par le tronc .Cet ensemble était facilement récupérable. - Certaines photos prises sous différents angles ne permettent pas de dénombrer objectivement les parachutes .En fait le vétéran en a compté 6 dont 2 avec le ventral .Les sacs à voiles ont été récupérés sauf sur deux ou trois ensembles .Récupérés par les sautant ou par des promeneurs en quête de souvenir ?

 Ce cimetière de parachutes  ...à quelques mètres d'une piste tout à fait carrossable , dans un bois très pénétrable , est incompréhensible pour le vétéran .

  Il se souvient des sauts sur le BOIS du LARRING à l'occasion du 6603 (stage des chefs de section d' alors ) ou jamais aucun parachute n' a été abandonné ...

         Il se souvient d'un saut de manœuvre au cours duquel toute sa Compagnie avait été larguée sur le BOIS d' AZET ( GER ) parallèlement à la Zone de Saut ..devant le Général HENRY Inspecteur de l' Infanterie .Un Officier supérieur ayant estimé après l' arrivée du "siki "qu'il était plus apte à indiquer la correction au commandant de bord que le Moniteur chef de l' équipe de marquage .Ce qui s' avéra totalement faux !!  Une fois l' exercice terminé ,la quasi totalité des parachutes ont été récupérés avant la nuit par la Compagnie ....Une équipe sous les ordres de l' Adjudant de Compagnie  a décroché les voiles récalcitrantes dès le lendemain matin. Il se souvient des sauts de l' ICAP sur de très petites DZ cernées par les bois ou jamais un parachute n' a été abandonné .

 Il était un temps ou nous n' aurions jamais abandonné un parachute sur le terrain et pas seulement pour des raisons pécuniaires ! Car, après tout, quel est notre symbole le plus sacré le seul qui soit commun à TOUS les parachutistes ?

 
                                       Ce cimetière est une triste vitrine des temps modernes  : REQUIEM POUR UN PARACHUTE !

 Reprenant sa marche vers l'Ouest  en direction de son point de départ le vétéran fit une nouvelle rencontre agréable cette fois . CARPE DIEM  se dit il ! 

 

   

 

                Un daguet suité d'une chevrette accompagnée de son faon de l' année ont été levés par un chien courant.

                                                                                   Pau le 24 décembre 2015